Nous quittons Arecife le 10 décembre, le cœur plein des
souvenirs de la belle soirée de la veille.
Nous passons au nord de Fuerteventura et de Gran Canaria que
nous devinons dans la brume, passons au sud de Tenerife, pour arriver à la
Gomera, une des îles de l’ouest de l’archipel des Canaries. Il fait beau, l’alizé est doux,
mais entre les îles, le vent est irrégulier.
La Gomera est une petite île montagneuse, au relief
tourmenté, peu fréquentée : elle n’a pas d’aéroport international.
Du fait de son altitude importante, les sommets captent
l’humidité de l’air. Une forêt de grands arbres à feuilles persistantes, de la
famille des lauriers, couvre le centre de l’île. C’est une forêt survivante de
l’ère tertiaire, un trésor écologique.
Prenant
un des bus qui sillonnent l’île, nous en avons traversé une partie, pour aller
voir la spectaculaire vallée du Grand Roi .
L’eau y coule, les palmiers, les bananiers et les jardins
prospèrent. C’est à la Gomera que s’arrêtait Christophe Colomb lors de ses
trois voyages pour l’Amérique : il y faisait le plein d’eau et de vivres.
Avis aux amateurs de randonnée : il faut aller à la
Gomera !
Le 16 décembre nous reprenons la mer : 2730 milles
nautiques à parcourir pour rejoindre en Martinique le port du Marin où nous
avons rendez-vous avec Dominique et ses amis.
Nous prenons une route vers le sud pour trouver des vents
favorables. Nous avons d’abord du grand beau temps d’alizé, l’air est chaud,
les nuits sont douces, le bateau file à 8 ou 9 nœuds au vent arrière.
Le 22 décembre nous voyons les premiers poissons volants.
Nous laissons le sondeur allumé, pas pour les fonds, nous avons 4000 mètres
d’eau sous la coque, mais pour avertir les baleines de notre passage.
Puis l’alizé forcit, force 6 à7. Nous sommes toujours au
vent arrière, le bateau est content, mais nous sommes blaqueboulés par une
houle croisée. C’est inconfortable, et çà éclabousse bien dans le cockpit !
Pour Noël, le temps se calme, et nous retrouvons l’alizé
comme on l’aime, avec la lune qui
maintenant est pleine : les nuits sont
merveilleusement belles.
Au menu de Noël : poisson volant et légumes au curry.
Nous sommes heureux d’être là, mais ceux que nous aimons
nous manquent un brin !
Nous avons fait la moitié du chemin, et la deuxième partie
du voyage sera plus douce.
Nous vivons au rythme des quarts : 4 heures chacun, à
tour de rôle. A chaque fois l’un de nous 2 va se coucher avec un plaisir non
dissimulé ! De temps en temps , nous changeons d’heure, pour arriver en
phase à la Martinique dont l’heure est TU moins 4. La notion de temps devient
très relative, l’espace lui est bien présent : la terre est grande,
grande, et la mer donc !
Douceur de l’air
Ciel magnifique
L’alizé pousse en douceur
La houle l’accompagne
Des nuées de poissons volants brillent dans le soleil
C’est pour cela que nous sommes venus !
Arc en ciel dans le soleil, arc en ciel au clair de lune,
Coucher de soleil, lever de lune, dauphins…
La beauté nous subjugue…
Et puis, le 31 décembre, une rencontre étonnante et forte :
un rorqual croise notre route et nous accompagne pendant 1 heure ou 2. Comme le
font les dauphins habituellement, il passe et repasse, d’un côté, puis de
l’autre, puis dessous. Curieux de notre coque et de ce qu’il voit au dessus de
l’eau, il sort la tête, ou se tourne sur le côté en nous doublant, nous montrant
son ventre blanc. Il se laisse dépasser pour mieux nous rattraper. La houle
faisait près de 4 mètres, et nous le voyions derrière nous, tout en haut de la
vague, au dessus de nous, juste sous la surface de l’eau, brillant dans le
soleil. Ballet magique !
Les premières minutes, une certaine inquiétude nous a
traversés, étant donné le poids
respectable de notre visiteur qui était aussi long que le bateau… mais il était
juste animé d’une bienveillante et ludique curiosité.
Le lendemain, premier janvier 2016, de nombreux oiseaux, des
fous bruns, tournoyaient autour du bateau et plongeaient pour pêcher les
poissons volants.
Puis nous avons croisé un pêcheur dans sa petite
barque : nous n’avions quasiment croisé aucun bateau depuis le départ.
Et puis nous avons aperçu la terre ! A 16 heures nous
étions ancrés devant la plage de Sainte Anne, heureux et fourbus. Nous avons
mis 16 jours pour traverser. 7 nœuds de moyenne, en ménageant plutôt le bateau,
et sans génois car nous avons cassé la drisse au milieu du voyage.
Le mouillage
est une transition douce entre la mer et la terre. Nous prenons le temps de
savourer, de nous reposer et d’atterrir.